Compte-rendu d’un Ultra Marin
Article mis en ligne le 6 juillet 2018

Allez, je vous raconte mon aventure bretonne du week-end dernier.

Cela faisait quelques mois que cela nous trottait dans la tête, mais nous nous sommes réellement inscrits sur cette course d’ultra fond il y a deux mois. Nous nous étions préparés à affronter les longues distances en s’entraînant régulièrement le mois dernier à coups de séances de 20 ou 30kms, et puis nous avions réalisé un 100km en trail dans les Vosges fin avril qui nous a servi de préparation. Franck a fait quelques kilomètres de plus que moi en course à pied, mais j’ai préféré récupérer de notre étape vosgienne en pédalant.

Mais voilà, on n’est jamais assez prêt...

L’objectif étant depuis deux ans, avec Franck, d’acquérir 15 points pour pouvoir espérer participer à l’UTMB (Tour du Mont Blanc) 2019. Nous avions récolté 4 points en Bourgogne l’année dernière (UTCO : 105kms et 3000m de D+), 5 points dans les Vosges en avril (VOSGIRUNNERS : 99km et 3500m de D+), il nous restait donc 6 points à glaner en une course.

Cet « ultra marin » ou le « grand raid du Morbihan » (le tour du golf ! ) était idéal en terme d’organisation (date idéale pour se préparer), de coûts de déplacement (350km de la maison) et de récupération car il est plat (1000m de D+ sur 177kms). La distance nous faisait quand même un peu peur...

Nous sommes donc arrivés la veille et nous avons dormi sur un superbe spot au pied d’une plage. Ambiance coucher de soleil rouge et moustiques qui fredonnent. Le départ était à 18h00 et nous avions 42 heures pour réaliser notre course, on est laaaarrrrge ! Mais la chaleur était invitée ce qui n’arrangea pas notre pic stress avant course...Il faisait alors 32°c à l’ombre le vendredi avant de partir.

Le départ est donné du port de Vannes, dos à la ville fortifiée, direction l’ouest vers les beaux quartiers. Ambiance départ de course avec la musique à donf et des odeurs mêlées de crèmes pour les pieds et de pipi de la peur. Nous voyons des coureurs avec des sacs énormes. On a peur.

Après quelques kilomètres au bord de l’eau le parcours passe carrément dans l’eau ! Nous n’avons pas couru assez vite et la marée est montée... Un bouchon énorme de coureurs accrochés aux rochers s’est rapidement formé. Tout le monde s’était déchaussé mais le fond était truffé de pierres...ca glisse, ça chute, ça râle, ambiance départ en vacances, bref...rigolade !

45 minutes pour faire 200m dans l’eau de mer tout de même, on se dit qu’on n’est pas arrivés ! Mais l’important est de gérer, donc on se sèche bien les pieds et on repart.

Le premier ravitaillement nous attend à 15km (ils sont disposés tous les 15 à 20km à peu près, les points d’eau plus rapprochés heureusement !) j’avale une tranche de fromage et une compote chaudes (ils étaient là depuis 15h...je l’ai appris après...). Bref je digère mal...et au 35ème km Franck me lâche pour partir devant plus vite. J’ai toujours le bide un peu tendu et cela ne passe pas. A 5 heures du matin, je vomis sereinement au ravitaillement....ouf le soulagement ! Puis je fête ça avec un gâteau de semoule. Trop bien, ça passe. Prudent, je ne mange rien d’autre et repars.

Je retrouve des sensations et tout va bien jusqu’au 80ème kilomètre. Là je décide de me faire une micro sieste de 15min. Je me réveille de mon champ secoué par mon téléphone qui vibre et couvert de moustiques . Je repars.

86ème kilomètre passage en bateau (type zodiac) pour rejoindre la pointe du golf en face. Cela permet une récup bien agréable.

Au 90ème kilomètre, nous retrouvons notre sac de vie (déposé par l’organisation). Je me change entièrement, décide de ne pas prendre de douche mais de me crèmer avec une crème spéciale « fesses de cyclistes » (genre qui colle bien). Elle a sauvé mes pieds et mon dos, je n’aurai aucune égratignure.

Je vois Franck sur l’écran de contrôle de mon téléphone, il est 14km devant moi. C’est mort pour le rejoindre, je ne le rattraperai pas. Tant pis, je vais gérer autrement. Tranquille. Surtout que la chaleur commence à monter. Il est 10h00.

J’arrive au 120 ème péniblement, la chaleur est bien là, mais les paysages sont toujours sympathiques. Successions de marches, sable, petits murets, sentiers douaniers (avec de petites racines et blocs rocheux), pas de grosses montées à affronter. Et puis à gauche, la mer.... vaseuse tout de même par endroits.

A partir de là, mon rythme ralentit encore. Micro-siestes, arrosages de la casquette réguliers, marche en plein soleil...le paysage s’alourdit et devient presque moche...ensembles urbains, marécages et passages d’écluses (pour les marais salants) en plein soleil tuent mon moral.

Les concurrents tombent comme des mouches, s’écroulent en marchant, vomissent et abandonnent épuisés aux ravitaillements. Je ne fais pas le malin... Dernière micro sieste sous une table au ravito du 135ème. Je repars déterminé pour mon dernier marathon.

Une autre course est partie derrière nous. Les concurrents nous doublent vite. Chacun à un petit mot d’encouragement et c’est cool. Les gens sur le bord de la route ont pitié de nous, ils distribuent de l’eau en bouteille ou apportent un tuyau d’arrosage pour une douche rapide.

A ce moment là, je sais qu’il me reste quelques heures de course et que je vais entamer une seconde nuit dehors. C’est drôle. Nous faisons des boucles sur une presqu’île qui semble interminable...il reste 10kms et je suis épuisé, je titube et zigzague sur le chemin pourtant plat. J’avale un gel énergétique absolument infame au vague goût de « pomme verte ». La machine repart. J’en ai pourtant ras le bol. C’est plat et le chemin est lisse ou bitumé. Je décide d’accélérer. Je finis les 5 derniers kilomètres en courant trop heureux d’arriver plus vite.

J’arrive enfin à 00h50 sur le port de Vannes. Heureux. Il pleut. Je prends ma veste de finisher sans manche « bleu moche », mange mon repas et finis par une douche avant de m’écrouler épuisé dans le van.

Le lendemain je me venge avec un petit déjeuner en bord de mer suivi d’un petit quart d’heure de nage pour décrasser ;-)

Antoine.